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Le rôle de la séquence « éviter, réduire, compenser »

Tout projet, programme ou plan d’aménagement a des retombées plus ou moins impactantes sur l’environnement. Les risques ? Perturber les écosystèmes et la biodiversité, mais aussi nuire à la santé ou à la sécurité humaine. Or les conséquences d’une dégradation environnementale sont parfois irrémédiables. C’est pourquoi la loi encadre l’élaboration des projets. Depuis 2016, le Code de l’environnement soumet chacun à une évaluation, en particulier par le respect de la séquence « Éviter, réduire, compenser ». Mais qu’est-ce donc ? Ce trio d’injonctions paraît bien mystérieux. Une explication s’impose.

Éviter, réduire, compenser : c’est une démarche au cœur de l’aménagement

Définition

Une séquence nous dit-on ? Il faut comprendre ici une série de mesures et de dispositions hiérarchisées. Pour chaque projet, plan ou programme d’aménagement, il s’agit d’envisager les actions à mener dans l’ordre d’énonciation de ces trois verbes :

  1. J’évite dans la mesure du possible tout ce qui peut nuire à l’environnement au cours de la construction ;
  2. Je cherche ensuite comment réduire les incidences qui n’ont pu être éludées ;
  3. J’identifie enfin comment compenser les impacts résiduels qui subsistent à l’issue des deux premières étapes.

Objectif de ce cheminement de mesures en entonnoir ? Le juriste Olivier Cizel l’explique :

Le triptyque « éviter, réduire, compenser » consiste à mettre en œuvre, en les priorisant, toutes les mesures devant permettre d’éviter une perte nette, voire d’obtenir un gain de biodiversité. »

Une étude rigoureuse

Comme les dommages à anticiper sont très variés, il est nécessaire d’en réaliser l’inventaire exhaustif. Le projet menacera-t-il des habitats remarquables ? Quel sera le contrecoup de l’artificialisation des sols ? Y a-t-il des dangers d’ordre sanitaire, ou encore des dégâts qui occasionneront des surcoûts financiers ?

Par exemple, construire dans une zone inondable induit forcément d’anticiper des scénarios de risques de pertes mobilières et immobilières, mais aussi des dommages psychologiques. Autre cas de figure : mettre en place une entreprise industrielle suppose aujourd’hui de réfléchir aux moyens de préserver la qualité des sols qu’elle occupera, et cela bien après la fin de sa période d’exploitation. L’idée ? Prévenir de lourds désagréments comme de gérer à long terme la réhabilitation d’un site pollué en profondeur. C’est ce qui est arrivé à L’Île-Saint-Denis en Seine-Saint-Denis.
Il va de soi que ces avaries vont engendrer des frais de reconstruction, et même d’assurances en cas de risques majeurs, nécessaires à la résilience des lieux et de leurs habitants.

Friche industrielle avec les bâtiments en ruine d'une usine abandonnée.
Quel sera le devenir d’un site industriel et de ses sols en fin d’exploitation ? La séquence ERC permet d’anticiper les risques de pollution à toutes les phases d’un projet d’aménagement. ©Piqsels

Un dossier complet présentera ainsi un panel des différents scénarios envisagés, avec une étude comparative des avantages et inconvénients pour chacun. Il recevra un avis favorable si les résultats escomptés par l’ensemble de ces dispositifs sont satisfaisants. Et s’ils répondent aux exigences de chaque étape de la séquence. Observons maintenant chacune plus en détail.

Le principe d’évitement est prioritaire

Éviter à tout prix, mais comment ?

En partant du principe que ne pas faire reste la meilleure manière d’empêcher une dégradation, le mot d’ordre est d’identifier autant que possible les mesures d’évitement. Pour citer les Lignes directrices nationales sur la séquence éviter, réduire et compenser les impacts sur les milieux naturels :

«[Ces mesures] modifient un projet ou une action d’un document de planification afin de supprimer un impact négatif identifié que ce projet ou cette action engendrerait.»

Il importe donc de questionner de manière méthodique tout paramètre du projet, de remettre en cause ses fondements mêmes, sa localisation… et ce à chaque niveau d’élaboration.

Faut-il mener à bien ce projet ?

C’est la première question à se poser. Le maître d’ouvrage doit examiner en amont si l’aménagement programmé répond à un besoin majeur, compte tenu des pertes et détériorations à prévoir. La balance penche-t-elle plus du côté des dommages que de celui de l’indispensabilité des travaux et d’un réel besoin socio-économique à satisfaire ? Il devra songer à renoncer ou bien à trouver une solution alternative. On parle ici d’évitement stratégique.

Peut-on modifier son emplacement ?

Afin de minimiser les effets nocifs, il est possible de recourir à l’évitement géographique. Cela suppose soit de déplacer la localisation du projet à un endroit moins sensible, soit de changer son emprise. Trois possibilités pour ce second cas :

  • Revoir les contours du plan initial ;
  • Garder le même tracé, mais en prévoyant des zones de « mise en défens ». Ce sont des espaces où l’on instaure des mesures de protection d’écosystèmes sensibles, pendant les travaux ou lors de l’exploitation ;
  • Répartir ou disposer autrement les aménagements internes, comme la forme ou l’emplacement de bâtiments ou de revêtements de sol, de sorte qu’ils contournent ou laissent libres les zones vulnérables.
Un chantier de construction d'immeuble avec une grue au premier plan.
Une mesure d’évitement géographique peut consister à limiter l’emprise de la construction en jouant sur la hauteur et la configuration du bâtiment. ©Pixabay/dimitrisvetsikas1969

Est-il possible de différer certaines étapes ou d’utiliser d’autres méthodes ?

L’évitement temporel permet de privilégier certaines périodes plutôt que d’autres, que ce soit lors de la phase de chantier ou de celle d’exploitation. Imaginons ainsi que le chantier de construction ait lieu dans une zone de reproduction d’une espèce d’oiseaux protégée. Il sera préférable de s’abstenir de mener les travaux pendant les périodes d’accouplement et de gestation.

L’évitement technique quant à lui sert à envisager des solutions alternatives aux procédés traditionnellement employés qui risquent de nuire à l’environnement. Le coût doit rester acceptable. Prenons par exemple un projet d’aménagement de déchèterie en zone péri-urbaine. Pour la phase d’exploitation, il s’agira de concevoir un incinérateur qui ne rejette aucun gaz toxique dans l’atmosphère.

Une mesure de réduction s’impose quand on ne peut éviter

Les corollaires à restreindre

Formons l’hypothèse que, au cours de cette première phase d’analyse des répercussions du projet, vous proposiez d’éviter 30 % d’impacts bruts. La seconde phase consistera alors à explorer les moyens d’amoindrir la portée, l’étendue ou l’intensité d’une partie des 70 % restants. Nous parlons ici des mesures de réduction.

Comment y parvenir ? Les porteurs de projet veilleront pourquoi pas à diminuer la taille de la surface occupée au sol du plan initial ou bien celle des espaces de circulation des engins de chantier pendant les travaux. Ils pourront aussi revoir les ambitions de production à la baisse pour limiter le ravitaillement en ressources, les rejets dans la nature ou la circulation des véhicules. Autant de dispositions de réductions géographiques, techniques ou temporelles, à différencier des mesures d’évitement.

Vue d'un chantier de construction d'un lotissement avec une pelleteuse, une grue, une bétonnière, un camion toupie.
Dans le cadre de la séquence ERC, pour réduire les impacts négatifs d’un chantier, il est possible de restreindre son empiètement et l’espace de circulation des engins. ©Piqsels

Les irréductibles

Quelles séquelles significatives subsisteront à l’issue des mesures d’évitement et de réduction ? En quelle quantité ? En ce qui concerne la biodiversité, si le projet risque de nuire à une ou plusieurs espèces protégées, c’est sous ces trois conditions cumulées qu’il obtiendra une dérogation :

  • Il doit répondre à une nécessité d’intérêt public majeur.
  • Les dégradations locales ne peuvent pas fragiliser davantage les populations des espèces affectées, dans l’ensemble de leur zone habituelle de distribution.
  • Il constitue la seule solution possible.

En revanche, chaque impact résiduel exigera une compensation équivalente aux pertes fonctionnelles occasionnées. En gros, pour chaque détérioration d’habitat ou perte animale et végétale, il faudra reconstituer un peu plus loin un habitat semblable. Celui-ci accueillera des individus des mêmes espèces et offrira des services écosystémiques identiques. Une sorte de dédommagement.

Les mesures compensatoires interviennent en dernier recours

Les cinq grands principes d’application

Selon l’article R.122-13 du code de l’environnement, cinq règles élémentaires sous-tendent la mise en place de ces mesures :

  • la proximité du site touché ;
  • la concomitance avec les premiers impacts négatifs ;
  • leur pérennité pendant toute la durée des dommages causés ;
  • leur proportionnalité à l’intensité des dégâts ;
  • leur efficacité.

Pour que le programme, plan ou projet bénéficie d’une autorisation, il doit en effet répondre à une obligation de résultats. L’objectif à l’issue de cette séquence est bel et bien d’atteindre une absence de perte nette écologique, voire un bénéfice net. Mais qui garantit cette redevabilité ? Les services de l’État et l’Office français de la biodiversité assurent le suivi au moyen de contrôles réguliers. Ils vérifient que l’équivalence environnementale est réelle. Dans le cas contraire, ils mettront un terme au projet et le sanctionneront.

Or en quoi cette compensation consistera-t-elle ? Deux voies s’offrent à nous : l’une à la demande et l’autre par l’offre.

La compensation à la demande

Dans ce cas, c’est par l’acquisition foncière de terres à proximité que le porteur de projet pourra s’engager dans des actions compensatoires. Sur les conseils d’un opérateur qualifié, il veillera à restaurer des milieux comparables à ceux endommagés ou détruits par le projet sur un terrain géographiquement proche. En traitant au cas par cas chaque dommage, il favorisera la stabilité des populations locales des espèces touchées.

Paysage d'une tourbière dans les landes avec des linaigrettes en floraison.
Pour compenser les impacts d’un projet d’aménagement par exemple sur une zone humide, la séquence ERC incite à restaurer des écosystèmes équivalents dans une aire géographique proche. ©Pixabay

La compensation par l’offre

Dans ce second cas, le porteur de projet se rapproche d’un acteur public ou privé, expert en génie écologique, qui gère un Site naturel de compensation, de restauration et de renaturation. Ce SNCRR a reçu un agrément de l’État. L’acteur en question a auparavant réalisé une fine étude des besoins en compensation de la région pour réussir à les pallier. Il a ensuite entrepris des opérations de conservation d’habitats et d’espèces sur une grande superficie de territoires.

Son but ? Découper le produit de ces actions de conservation en unités de compensation qu’il va pouvoir vendre aux porteurs de projets engagés à proximité dans une démarche ERC. Pour chacun, le nombre de crédits à acheter est proportionnel à l’étendue du dédommagement à pourvoir. Cette démarche comporte de nombreux avantages en termes de rentabilité. De plus, comme elle mutualise les actions de plusieurs porteurs de projets sur une grande superficie de territoires, cela en accroît d’autant la plus-value écologique.

Éviter, réduire et compenser… Est-ce une simple liste de choses à ne surtout pas oublier d’accomplir ? Ou une litanie à répéter en boucle ? Non, la séquence ERC est un dispositif juridique à suivre étape par étape. Elle garantit autant que possible la préservation des milieux naturels et l’inoffensivité de chaque projet d’aménagement pour l’environnement. Dans le meilleur cas de figure, elle s’inscrit dans une ambition régénérative.

Vous souhaitez partager votre expérience d’une application réussie de la séquence ERC ? Faites-nous part de votre témoignage dans les pages d’AIM REDACTION !

Droits d’auteur de la photo de couverture : ©Pixabay/Tama66

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