Aurélien Spitz est apiculteur et animateur nature à Jonchery-sur-Vesle près de Reims, en Champagne-Ardenne. Il dirige l’antenne Grand Est de Beecity. À chaque fois qu’il installe des ruches dans une entreprise, il fait un pas de plus en faveur de la biodiversité. Mais pourquoi a-t-il à cœur de convaincre des sociétés d’accueillir des abeilles domestiques dans leurs locaux ? Lutter contre l’effondrement de leurs populations est un objectif évident qui apparait en filigrane de l’entretien. Mais sa mission réelle prend place au sein d’une stratégie régénérative inspirante de l’entreprise de renaturation fondée par Sylvain Breuvart.

Sensibiliser à la biodiversité
L’ampleur de la tâche
En pleine période de récolte du miel, il a fini sa tournée quotidienne des ruches, pressé par l’approche des orages. Aurélien Spitz est enthousiaste et épanoui, fier de nous faire découvrir ce métier qu’il pratique avec passion au sein de Beecity depuis deux ans. Il est apiculteur, et pas seulement. Passeur de savoir et activateur de raison. Comment procède-t-il ? Il fait héberger ses colonies d’abeilles dans des entreprises afin de sensibiliser chacun d’entre nous au vivant. « Il ne se passe pas un jour sans que je n’explique pourquoi la biodiversité, à laquelle appartient l’humain, est notre alliée de chaque instant », nous révèle-t-il. Il y a d’ailleurs tant à faire qu’il envisage d’embaucher pour l’aider à accomplir ce véritable travail de missionnaire.
Une pédagogie de chaque instant
La vocation de Beecity est en effet d’ouvrir les yeux du plus grand nombre sur l’importance de préserver la nature. « Beaucoup d’entreprises pensent qu’elles doivent réduire leur empreinte carbone avant d’agir en faveur de la biodiversité, explique Aurélien Spitz. Alors qu’il faut faire l’inverse ».
Il cite ainsi les conclusions d’Olivier Hamant, chercheur de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement et directeur de l’institut Michel Serres. Le scientifique nous alerte sur le fait que la biodiversité est le levier principal sur lequel agir :
« Quand on prend soin d’elle, c’est positif pour le climat, pour les pollutions globales et pour les pénuries de ressources. »
Cependant, Aurélien Spitz se rend souvent compte pendant ses ateliers que beaucoup de participants peinent à définir la biodiversité. « Certains ne savent pas du tout », précise-t-il. Or, il est primordial d’apprendre à connaître la nature, les services qu’elle rend et le cycle de la vie, pour l’apprécier et comprendre la nécessité de la protéger. Il transmet alors ses connaissances avec simplicité et humilité, sans blâmer ni juger.
Une volonté de stimuler la curiosité
Son défi principal ? Convaincre les salariés lors des animations et leur donner envie de revenir aux suivantes pour s’informer davantage encore. C’est en essaimant son savoir qu’il va contribuer à changer les esprits. Pour le moment, les entreprises pensent rarement de manière spontanée à adopter des pratiques à impact positif sur les écosystèmes locaux.
De fil en aiguille, notre pédagogue va aborder le b.a.-ba des sciences naturelles. Abeilles mellifères, abeilles sauvages, pollinisation, animaux, végétaux, reproduction des plantes, chaînes alimentaires : tels sont les mots clés ! Voici alors un merveilleux tremplin pour parler des services écosystémiques, des extinctions d’espèces, du cycle de l’eau, de la régénération des sols, de l’agriculture, du climat…
Les animations s’adressent aussi aux enfants des salariés, trop heureux de rapporter chez eux une bougie en cire d’abeille, un pot de miel, un savoir grandi et une banane sans pareille ! Car réussir à retrouver sa place parmi un monde vivant que l’on peut comprendre et admirer apporte sérénité et conscience d’un caractère d’essentialité.

Une réactivation du discernement
Ainsi, par ses interventions, Aurélien Spitz espère rétablir le retour au bon sens et l’envie de veiller sur son environnement. Ne voilà-t-il pas qu’un client lui annonce avec fierté qu’il prend soin de la mare créée lors d’un parcours biodiversité ! Il veille à l’éclairer toutes les nuits pour la mettre en valeur et en assurer la sécurité… C’est l’occasion pour le dirigeant Grand Est de Beecity de rectifier le tir. Il communique sur le rôle vital des successions du jour et de la nuit pour les espèces autour de la mare. Mais aussi sur la notion de sobriété énergétique à encourager en éteignant les lampes dans les espaces non fréquentés.

Commencer par les ruches en entreprise pour aller plus loin
Un cas de figure majoritaire
Mais comment un partenariat débute-t-il ? La plupart du temps, c’est par l’aménagement d’un rucher. Un responsable RSE, c’est-à-dire de responsabilité sociétale des entreprises, le contacte dans le cadre de la publication du rapport de durabilité (CSRD). Ou bien c’est le responsable Hygiène Sécurité Environnement qui veut améliorer les conditions de travail de ses collègues. Chacun souhaite sensibiliser ses 50 à 100 collaborateurs à la notion de biodiversité par un projet d’implantation de ruches. Parfois, c’est le dirigeant qui cherche à fédérer son équipe autour de ce programme.
L’analyse des besoins
Aurélien Spitz se délecte à chaque fois du challenge à accomplir. Il essaie de comprendre l’état d’esprit de la direction et mesure l’amplitude des actions de sensibilisation à mettre en place. « Je vends bien sûr le projet au chef d’entreprise, confie-t-il. Mais je mets encore plus d’énergie à convaincre les collaborateurs. Ils sont moteurs et ont bien plus d’impact que moi sur la décision. »
Pour lui, le dialogue prime : s’il constate au cours des premiers échanges que le terreau est peu favorable, que la raison d’être du rucher sera juste de dire qu’il y a des ruches sans plus s’y intéresser, il arrête l’expérience. Il a besoin de sentir une réelle implication et une curiosité, une appétence au changement.
Des ilots de biodiversité
Vient alors le moment d’implanter une, deux ou trois ruches dans un espace vert. Le mot d’ordre de l’apiculteur : « Laissez les abeilles tranquilles et ne vous en approchez pas trop ! ». C’est lui qui s’en occupera et récoltera leur miel. Il nous raconte sa ruse bienveillante avec sourire et honnêteté : « Il n’y a pas de risque à s’en approcher à moins de trois mètres, mais c’est bien de mettre de la distance, notamment pour éviter la tonte. Les espèces végétales auront ainsi le temps de se développer et la nature reprendra ses droits. »
Car la création du rucher va de pair avec la plantation d’une prairie fleurie d’espèces locales, pour que les abeilles y butinent. Et cet écosystème pourra accueillir des espèces rares comme l’Ophrys abeille, ainsi qu’une faune variée !

Un tremplin vers des actions plus larges
« Le positif, c’est que le suivi des ruches me permet de rester au contact de l’équipe tout au long de l’année et de faire évoluer le projet. Certains clients vont me demander des animations supplémentaires », explique-t-il. Ce sera l’occasion d’observer et d’aller de découverte en découverte au fil des ans. Mais aussi d’envisager les moyens de conserver cette diversité. Une véritable éducation écologique qui va donner envie à l’équipe de s’engager davantage. Alors pourquoi pas construire des haies sèches pour accueillir des insectes, oiseaux, petits mammifères et autres vertébrés, réguler l’eau et favoriser la production d’humus ? Mais également installer des nichoirs ou des hôtels à insectes ? Ou encore créer un potager, un verger, un compost ou bien végétaliser une terrasse ?
La séquence ERC
C’est ce qu’il conseille d’ailleurs à ses clients qui souhaitent respecter les obligations de la séquence « éviter, réduire, compenser ». « Je leur préconise la plantation de végétaux ou l’installation de haies. Je les oriente aussi vers des changements d’habitude comme la fauche tardive, la récupération des eaux de pluie et des solutions pour moins consommer d’électricité avec les éclairages extérieurs. » Un tout nouvel outil cartographique va dorénavant lui faciliter la tâche pour connaître les caractéristiques locales des milieux naturels et semi-naturels. Il s’agit de Biodiv’Map Grand Est qu’il découvre avec plaisir.
D’autres demandes spécifiques
Bonne nouvelle : il existe aussi quelques entreprises déjà convaincues de leur rôle dans la préservation de la biodiversité ! Elles sollicitent Beecity pour des missions bien précises. L’une veut créer un corridor écologique afin de faciliter le passage des hérissons. Une autre missionne Aurélien Spitz pour réaliser un inventaire des espèces sur ses terres ou planter une micro-forêt. Il arrive aussi à celui-ci d’effectuer des prélèvements pour le laboratoire Apilab dans le cadre d’une biosurveillance. L’objectif est de déterminer la qualité de l’eau ou le taux de pesticides.
Autre exemple : certains dirigeants vont vouloir impliquer davantage leurs collaborateurs pour redonner une finalité à leur activité. Tel un industriel agro-alimentaire, célèbre fabriquant de compotes : « Mon client s’est rendu compte que, s’il ne menait pas d’action auprès de ses salariés, ils allaient perdre le sens de ce qu’ils faisaient, nous révèle-t-il. Il fallait qu’ils se souviennent de l’interdépendance entre une forte production de pommes et l’augmentation du nombre de pollinisateurs. Mais aussi qu’il n’y a pas de secret : si vous prenez soin de votre environnement, vous prenez soin de votre travail. »
Créer du lien grâce aux ruchers et à la nature
Au sein de l’entreprise
Et l’environnement, c’est aussi dans ce cas le lieu d’exercice et l’entente avec les collègues. Avant de devenir apiculteur, Aurélien a eu une vaste expérience professionnelle dans l’hôtellerie et la restauration, la logistique, le sport automobile, le génie climatique et la vente. « C’est pour cela que j’adore comprendre les mécanismes d’une entreprise et déceler comment elle est organisée », explique-t-il. Il apprécie d’ailleurs de montrer à l’ensemble d’une équipe le parallèle entre le fonctionnement d’une colonie d’abeilles, ce superorganisme, et d’une entreprise. « La reine c’est une DRH en puissance : sans elle, pas d’effectifs. Les ouvrières, elles, s’occupent du bien-être de l’équipe, de la logistique, la sécurité et la production. Par cette analogie, les dirigeants et les collaborateurs admettent que ce qui fait la force de l’entreprise c’est le collectif. »


En associant humilité et quête de sens
Et pour cela, il y a besoin de le fédérer avec un projet qui fait sens… Renouer avec la nature en est un. Cela nécessite que chacun s’embarque dans l’aventure en toute modestie, disposé à remettre en question ses convictions et à admettre ne pas tout savoir. Et, ce, à n’importe quel moment de sa vie. Aurélien Spitz lui-même a choisi de se reconvertir il y a trois ans et s’est formé sur le tas. « Je vendais des capsules de café à des professionnels et je me suis aperçu des effets de la surconsommation et de l’exploitation des ressources non-inépuisables », reconnaît-il.
Son métier est devenu incompatible avec sa façon de penser. « Mon fils avait 9 ans, raconte-t-il. Je me suis demandé : quel avenir lui proposer ? Quel exemple être pour lui ? » Sa rencontre avec Sylvain Breuvart, le fondateur de Beecity, est alors déterminante. « Cet apiculteur passionné prône le respect de la biodiversité avec humilité et pédagogie. Or j’avais déjà été initié à l’apiculture par ma grand-mère pendant l’adolescence. Cela a résonné en moi comme une évidence. » Ni une ni deux, il le rejoint aussitôt, ainsi que quatre autres collègues qui créent leurs antennes. Ils se soudent tous autour de lui et appliquent sa méthode, chacun dans sa région.
Par une reconnexion au vivant
Le crédo d’Aurélien par rapport à cette démarche ? Placer le fait de créer du lien au centre de ses missions. Il veut relier les membres d’une équipe en reconnectant l’humain au vivant. Et il le fait avec plaisir, parfois dans les situations les plus inattendues.
Quelle ne fut pas sa surprise ainsi de voir un jour un paysagiste lui demander de sensibiliser ses pairs à la biodiversité, afin que ces derniers conseillent à leur tour leurs clients. « J’ai découvert une vision différente de l’environnement, reconnait-il. Les paysagistes ne parlent pas ou peu de biodiversité et d’écosystèmes. Leurs formations leur apprennent à se focaliser sur le fait de tailler les végétaux et sur l’esthétique, sans penser à l’adaptation aux saisons. »
Il s’évertue alors à leur faire réaliser ce qu’est la vie. Résultat ? Ils font maintenant preuve de vigilance vis-à-vis de l’environnement. « C’est d’ailleurs la condition essentielle pour que leur entreprise dure dans le temps, ajoute-t-il. Il leur arrive de tondre encore à la demande des clients, mais sans excès, et ils propagent à leur tour les pratiques qui respectent la nature. »
Avec un impact accru
Et ensuite ? Aurélien Spitz souhaite créer davantage de lien entre l’humanité et la nature, mais aussi le cultiver et le consolider. Il projette d’accueillir des entreprises et le grand public à l’occasion de stages et de visites découvertes dans la vallée de l’Ardre, à l’Est de Reims.
« Ces expériences doivent aider à comprendre qu’il est nécessaire de faire preuve de sobriété pour aller à l’essentiel. Pour être juste soi et heureux. »
Un mot de la fin qui résume tout l’intérêt à connaître et à protéger la biodiversité. Pour notre interlocuteur de Beecity, implanter des ruches dans une entreprise constitue un point de départ et un levier d’action au pouvoir inestimable. Cela participe à l’éducation de tous à la biodiversité, et reconnecte chacun au vivant, aux autres et à soi.
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